Thématiques scientifiques

- L’activité de l’équipe spatiale du LPP, initialement centrée sur l’exploration des plasmas terrestres, a évolué dans deux directions. D’une part, elle continue d’étudier les processus physiques à l’œuvre dans la partie ionisée de l’atmosphère, appelée ionosphère, et dans la magnétosphère de la Terre. Celle-ci est formée par l’interaction du champ magnétique de la planète avec le plasma éjecté par le Soleil, le vent solaire. Elle est délimitée du côté solaire par des frontières : le choc et la magnétopause.
D’autre part, l’équipe s’oriente vers l’exploration des environnements ionisés des autres corps du système solaire (planètes, satellites, anneaux et comètes) et du vent solaire. - L’équipe fait partie de l’ATST (Action Thématique Soleil-Terre) du CNRS qui a publié une vidéo résumant les intérêts scientifiques de la communauté (mars 2025).
- Les thèmes scientifiques abordés par l’équipe « Plasma Spatiaux » s’articulent autour des axes principaux suivants :
- Rupture du confinement magnétique et transport du plasma : Turbulence, Reconnexion magnétique, Déclenchement des sous-orages magnétosphériques,
- Physique des chocs,
- Processus d’accélération, de rayonnement et de chauffage en région aurorale, Emissions radio planétaires,
- Planétologie comparée : magnétosphères des planètes, étude des environnements plasmas des petites planètes, planètes géantes,
- L’activité solaire
- Météorologie spatiale.
- Plusieurs de ces thèmes sont reliés par le fait qu’ils se produisent essentiellement dans des plasmas sans collision.
- L’activité de l’équipe est très fortement structurée par les projets spatiaux dont la plupart sont transversaux aux thèmes scientifiques ci-dessus. Ils reposent sur le développement d’instruments : spectromètre de masse et analyseurs plasma d’une part, antennes magnétiques d’autre part. Ces projets, Cassini, Cluster, Double Star, THEMIS, MMS, BepiColombo, Solar Orbiter, …, se font dans le cadre des agences spatiales CNES, ESA, NASA, JAXA (Japon), CNSA (Chine).
- L’une des forces de l’équipe est de regrouper l’essentiel de la chaîne de compétences utiles au bon déroulement de ces projets. Ceci lui permet de s’investir dans : la participation aux groupes de définition des futures missions spatiales, le développement de l’instrumentation, le développement de logiciels pour la validation, la mise en forme et l’archivage des données, l’analyse scientifique des données des missions en cours. Cependant, l’activité de l’équipe spatiale va au delà des missions. Elle s’implique dans la conception de capteurs toujours plus petits, légers, et performants. Elle effectue également les développements théoriques et de modélisation numérique nécessaires à l’interprétation des observations.


Présentation
La plupart des plasmas spatiaux étudiés au LPP peuvent être qualifiés de "sans collisions". Cette propriété a des conséquences importantes sur les phénomènes qui se produisent dans ces plasmas ainsi que sur la façon de les comprendre et de les modéliser.
L’étude de ces problèmes est donc naturellement l’une des spécialités des chercheurs du groupe spatial. Un livre "Collisionless Plasmas in Astrophysics" dont deux des auteurs sont au LPP, fait le bilan de l’état de l’art dans ce domaine. Une formation à destination des doctorants est aussi assurée chaque année à l’Observatoire de Meudon par les auteurs et leurs collègues de l’Observatoire sur ce thème.
Chercheurs LPP
N. Aunai, G. Belmont, T. Chust, C. Krafft, L. Rezeau, R. Smets
Sélection de publications
- Belmont G., Grappin R., Mottez F., Pantellini F., Pelletier G., Collisionless Plasmas in Astrophysics (ISBN : 978-3-527-41074-3) (2013)
- Chust, T., and G. Belmont, Closure of fluid equations in collisionless magnetoplasmas, Phys. Plasmas, 13, 012506, 2005
- Belmont, G., F. Mottez, T. Chust, and S. Hess,Existence of non-Landau solutions for Langmuir waves, Phys. Plasmas,15, 052310, 2008.
- Belmont, G., N. Aunai, R. Smets, Kinetic equilibrium for an asymmetric tangential layer, Phys. Plasmas,19, 022108, 2012.
- Krafft,C., A. Volokitin, and V. Krasnoselskikh, Interaction of energetic particles with waves in strongly inhomogeneous solar wind plasmas, Astrophys. J., 778, 111, 2013.
- Krafft, C., A. Volokitin, V. Krasnoselskikh, and T. Dudok de Wit,Waveforms of Langmuir turbulence in inhomogeneous solar wind plasmas, J. Geophys. Res., 119, 9369, 2014.
- Krafft, C., A. Volokitin and V. Krasnoselskikh, Langmuir wave decay in inhomogeneous solar wind plasmas : numerical simulations, Astrophys. J., 809, 176, 2015.
- Krafft, C., and A. S. Volokitin, Electron acceleration by Langmuir waves produced by a decay cascade, Astrophys. J., 821, 99, 2016.
Sans collisions ?
Qu’est ce qu’un plasma sans collisions ? Et d’abord, qu’appelle-t-on "collisions" dans un plasma ? Cette notion est elle comparable à la notion habituelle de collisions entre particules neutres ? La réponse est non
Collision dans un gaz neutre ou dans un plasma. Les collisions entre particules neutres sont binaires (figure de gauche), c’est-à-dire qu’une particule ne subit l’influence que d’une autre particule à la fois, et seulement lorsqu’elle en passe très près. Entre ces "collisions", la particule va en ligne droite. Dans un plasma (figure de droite), chaque particule a une trajectoire sans point anguleux, régie à chaque instant par le champ électrique dû à toutes les autres. Cette trajectoire serait celle en pointillé si les particules environnantes formaient un fluide continu, mais les petits écarts au caractère "fluide continu" font que la particule s’éloigne progressivement de cette trajectoire idéale. C’est ce qu’on appelle "collisions" en physique des plasmas.
Dans un milieu neutre (figure de gauche), chaque particule va en ligne droite sauf en quelques points où elle "rencontre" une autre particule (c’est-à-dire qu’elle en passe extrêmement près) et où elle subit une déviation brusque. La trajectoire est donc une succession de segments de droite, avec quelques points anguleux (le nombre de points anguleux tend vers zéro lorsque la densité diminue). La distance entre deux points anguleux est appelée "libre parcours moyen".
Dans un plasma au contraire (figure de droite), les interactions entre particules chargées ne se font pas à très courte distance, mais via l’interaction électrostatique en 1/r2 qui est à longue portée. On est donc dans la limite opposée à celle des gaz neutres : chaque particule est à chaque instant influencée par un très grand nombre des autres particules qui l’entourent. Sa trajectoire est donc toujours essentiellement régie par le champ collectif dû à toutes les autres, considérées comme un fluide continu. A ce champ "idéal" viennent se superposer des fluctuations dues au caractère non continu des sources du champ. Il en découle des perturbations -"molles" et jamais anguleuses- qui ne la font diverger sensiblement de sa trajectoire idéale qu’au bout d’un certain temps. La distance parcourue pendant ce temps est encore appelée "libre parcours moyen", mais sa signification physique est donc sensiblement différente de la précédente.
Un plasma peut être dit "sans collisions" lorsqu’on peut complètement ignorer le caractère non-continu des sources du champ c’est-à-dire, par définition, chaque fois que l’on étudie des phénomènes d’échelles plus petites que le libre parcours moyen.
Cinétique et fluide
Comment décrire un plasma sans collisions ? La façon statistique la plus complète de le faire consiste à considérer la fonction de distribution des vitesses f(v), qui est la densité de probabilité d’observer une particule de vitesse v à un endroit r et à un instant t. Toutes les quantités classiques des théories fluides, la densité n, la vitesse fluide u et la pression P s’en déduisent car ce sont des intégrales de cette fonction (moments d’ordre 0, 1 et 2).
Comment modéliser l’évolution d’un plasma sans collisions ? L’évolution de la fonction de distribution est calculable car elle est régie par une équation déterministe : l’équation de Vlasov. Dès qu’on est en mesure de déterminer l’évolution de f(v), l’évolution des moments macroscopiques n, u et P s’en déduit naturellement. Au contraire, lorsqu’on connaît ces moments dans une condition initiale sans connaître f(v), l’évolution ultérieure ne peut pas être déterminée de façon unique car plusieurs fonctions de distribution, évoluant différemment, peuvent partager ces mêmes moments (figure 2). C’est donc une situation très différente de la thermodynamique où la connaissance des quelques premiers moments initiaux permet de déterminer sans ambigüité l’évolution ultérieure de ces mêmes moments.
La fonction de distribution de gauche, qui est Maxwellienne, partage les mêmes premiers moments, densité, vitesse moyenne et pression, que la fonction de droite, qui est constituée de deux faisceaux séparés se propageant en sens inverse. Il est peu probable que si l’on part, dans une portion limitée de l’espace, de l’une ou l’autre de ces distributions, l’évolution ultérieure des distributions et de ses moments, soit la même. Ceci montre la difficulté de modéliser les plasmas sans collisions en ne considérant que leurs moments.
Si on ne veut (ou si on ne peut) travailler que sur les seuls moments, comme on le fait en thermodynamique, c’est-à-dire sans introduire la fonction f(v), comment peut on faire ? En l’intégrant, on peut déduire de l’équation de Vlasov un ensemble d’équations qui relient entre elles les évolutions des différents moments. Les premières de ces équations sont alors fondamentalement identiques aux équations fluides habituelles, équation de continuité, de Navier-Stokes, d’énergie, etc… Mais on peut de cette façon en construire un nombre infini et elles ne forment jamais un système fermé tant qu’on n’inclut pas dans le système tous les moments jusqu’à un ordre infini. Si on veut s’en tenir par exemple aux moments d’ordres 0, 1 et 2, comme en thermodynamique, le système inclut le moment d’ordre 3 (flux de chaleur). Si on veut décrire aussi l’évolution du moment d’ordre 3, le système inclut le moment d’ordre 4, etc. Ce fait est en accord avec le fait que, dans un plasma sans collisions, la connaissance de seulement les quelques premiers moments dans la condition initiale ne permet pas de déterminer de façon unique l’évolution ultérieure de ces mêmes moments.
Thermodynamique, MagnetoHydroDynamique et phénomènes cinétiques.
La thermodynamique, comme la mécanique des fluides ou la MHD (MagnétoHydroDynamique, utilisée pour les plasmas magnétisés) sont des théories "fermées" au niveau des trois premiers moments, n, u et P. Comment est-ce possible ? Ces théories contiennent effectivement les trois équations de conservation que l’on peut déduire de Vlasov et qui traduisent la conservation du nombre de particules, de l’impulsion et de l’énergie. Mais elles incluent aussi une équation supplémentaire, dite "équation d’état", qui permet de fermer le système sans introduire le moment d’ordre 4 de la fonction de distribution. Cette équation "de fermeture" repose alors sur une hypothèse : il existe un grand nombre de collisions qui redistribuent en permanence les impulsions et les énergies des particules de façon inconnue mais supposée équiprobable. Cette hypothèse entraine le principe de "maximisation de l’entropie", qui signifie que seule la fonction de distribution la plus probable (Gaussienne dans le cas homogène stationnaire) peut être observée. Il n’en est évidemment rien dans un plasma sans collisions où la notion "d’état le plus probable" n’a pas de sens : si l’on part par exemple d’une distribution homogène et stationnaire quelconque, Gaussienne ou non, rien ne la fera évoluer au cours du temps et cette distribution stationnaire n’a donc pas de raison d’être considérée comme plus ou moins probable qu’une autre.
Il est clair qu’il faut renoncer définitivement aux fermetures "entropiques" quand on travaille dans un plasma sans collisions. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’on ne puisse jamais employer de théorie fluide dans ce cas. Cela reste possible chaque fois qu’une équation de fermeture peut être trouvée. Le fait que toutes les particules aient une trajectoire régie par le même champ électromagnétique collectif rend souvent la chose possible. Il n’est pas rare par exemple qu’une hypothèse adiabatique (flux de chaleur nul) soit justifiée pour les ions et une hypothèse isotherme (température constante) pour les électrons. Mais ces propriétés proviennent alors nécessairement de propriétés physiques du système sans rapport avec l’entropie ou avec un quelconque argument probabiliste de cet ordre.
Lorsqu’il n’existe aucune équation de fermeture simple qui permette de modéliser de façon "fluide" un certain phénomène, ce phénomène peut être qualifié de "cinétique". Les modélisations cinétiques, qui consistent à suivre l’évolution de f(v) partout et à tout instant sont naturellement beaucoup plus lourdes que les modélisations fluides. Elles restent même hors de portée des capacités numériques des calculateurs actuels dès qu’on veut traiter des problèmes 3D et de grande dimension.
Quelques exemples de phénomènes "cinétiques"
Un certain nombre des phénomènes de la physique spatiale étudiée au LPP peuvent être qualifiés de "cinétiques". En voici une petite liste, non exhaustive.
Amortissement Landau. Si on décrit le plasma de façon fluide, on peut déterminer le nombre et les propriétés de toutes les ondes linéaires qui peuvent s’y propager. En l’absence de viscosité ou de tout autre effet dissipatif, elles se propagent sans amortissement. Au lieu de ce petit nombre de modes fluides, un calcul cinétique complet (mais naïf) semblerait indiquer qu’il existe en réalité une infinité de modes de propagation. Mais ce résultat est trompeur : à partir de n’importe quelle condition initiale "raisonnable" pour les fonctions de distribution, il y a superposition de ces différents modes de sorte que, rapidement, il ne reste plus que des ondes qui se propagent presque comme les modes fluides, mais avec une différence essentielle : elles possèdent toujours un petit amortissement, appelé "amortissement Landau". Cet amortissement cinétique devient même très fort pour les ondes qui se propagent à une vitesse proche de la vitesse thermique des particules. L’existence d’un amortissement systématique venant d’une équation (Vlasov) non dissipative a suscité depuis sa mise en évidence (en 1958) de nombreux débats philosophiques.
Magnétopause et reconnexion magnétique. Dans la théorie fluide qu’est la MHD, les lignes du champ magnétique sont toujours "gelées" dans le plasma. Cela signifie qu’elles sont comme des fils élastiques entrainés par le flot : elles se déplacent, se déforment mais chacune d’entre elles garde son identité au cours du mouvement. Dans ce cadre, le vent solaire peut entrainer ses lignes de champ tout près de la magnétosphère, mais il ne devrait pas pouvoir dépasser une frontière étanche, la magnétopause, au-delà de laquelle les lignes de champ sont celles du champ magnétique terrestre. En MHD, une ligne du vent solaire ne peut pas se re-connecter à une ligne terrestre. La magnétopause est un exemple de ce qu’on appelle, en physique des plasmas, une "discontinuité tangentielle". En réalité, la magnétopause est parfois suffisamment fine pour violer les limites de validité de la MHD, et la faible pénétration du plasma solaire dans la magnétosphère qui en découle a des conséquences importantes (dont, in fine, les aurores polaires). L’étude de la reconnexion est très dépendante des effets cinétiques car ce sont a priori ces effets qui deviennent dominants lorsque la MHD devient non valide. Connaître un équilibre de la frontière qui soit stationnaire à l’échelle cinétique, instable ou non vis-à-vis de la reconnexion, constitue en soi une étude délicate à laquelle le LPP a largement contribué.
Turbulence. La turbulence est un ensemble de nombreuses fluctuations, à toutes les échelles, en équilibre non linéaire. Sa théorie a été extrêmement développée en hydrodynamique, puis en MHD. Lorsqu’on étudie expérimentalement ses propriétés, par exemple dans le vent solaire, on constate que son spectre continue bien au-delà des limites de validité de la MHD, c’est-à-dire jusqu’à des échelles plus petites que le rayon de Larmor des ions, et même que celui des électrons. La connaissance expérimentale de la turbulence à ces très petites échelles a progressé de façon importante ces dernières années grâce aux mesures satellitaires, mais la théorie correspondante, pour laquelle les effets cinétiques sont cruciaux, est encore débutante. Le LPP contribue sur les deux fronts, expérimental et théorique.
Présentation
La turbulence est un phénomène universel qu’on observe dans les fluides et dans les plasmas. Il s’observe dans une grande gamme d’échelles, depuis les tourbillons derrière une pile de pont, jusqu’aux échelles astrophysiques. Dans les plasmas, la turbulence se caractérise par un comportement désordonné, tourbillonnaire, chaotique qu’on observe sur toutes les grandeurs caractéristiques du milieu, la vitesse mais aussi le champ électromagnétique.
Chercheurs LPP
G. Belmont, R. Grappin, S. Galtier, L. Rezeau, F. Sahraoui
Sélection de publications
- Hadid L. Z., Sahraoui F., Kiyani K. H., Retinò A., Modolo R., Canu P., Masters J., Dougherty M. K., Nature of the MHD and kinetic scale turbulence in the magnetosheath of Saturn : CASSINI observations, The Astrophysical Journal Letters 813 (2), 2015.
- Meyrand R., Kiyani K. & Galtier S., Weak Magnetohydrodynamic Turbulence and Intermittency, J. Fluid Mech. 770, R1, (2015)
- Dong Y., Verdini A., Grappin R., Evolution of Turbulence in the Expanding Solar Wind, a Numerical Study, The Astrophysical Journal 793 118 (2014)
- Sahraoui F., M. L. Goldstein, P. Robert, Y. Khotyaintsev, Evidence of a Cascade and Dissipation of Solar-Wind Turbulence at the Electron Gyroscale, Phys. Rev. Lett. 102, 231102 (2009)
Les observations de la turbulence
Au LPP on utilise essentiellement les mesures de champ magnétique qui sont faites à bord des sondes spatiales pour étudier la turbulence. Les régions où la turbulence est observée sont essentiellement le vent solaire et la magnétogaine (région comprimée derrière l’onde de choc). A proximité de la Terre les observations sont faites avec CLUSTER et MMS. On a fait des mesures aussi au voisinage de Saturne avec Cassini. Les mesures des magnétomètres continus donnent accès aux basses fréquence (aux grandes échelles) ; elles sont complétées à plus haute fréquence par les mesures des magnétomètres alternatifs, généralement conçus et fabriqués au laboratoire.
Spectre des fluctuations magnétiques mesuré à bord de Cluster. En rouge la partie mesurée avec le magnétomètre continu FGM, en bleu la partie mesurée avec le magnétomètre alternatif STAFF. La courbe en pointillé indique le niveau de bruit de l’instrument.
Ce qu’on observe ce sont des spectres qui présentent des lois spectrales (image). Cette décroissance régulière est caractéristique de la cascade turbulente : l’énergie est injectée à grande échelle, puis transmise par interaction entre les tourbillons aux échelles de plus en plus petites. Des travaux de traitement du signal sont menés au LPP pour l’analyse précise de la turbulence : analyse spectrale, filtrage en nombre d’onde grâce aux mesures multi-satellite, fonctions de structure, ...
Les observations à distance permettent de se rendre compte que la turbulence existe aussi dans les étoiles ou dans la couronne solaire.
Les modèles théoriques
L’intérêt est de comprendre les mécanismes de génération, de transfert et de dissipation de la turbulence, des grandes échelles MHD aux échelles plus petites que celles de la dynamique des ions où des processus cinétiques rentrent en jeu. Une des difficultés théoriques est la prise en compte de l’aspect non collisionnel des plasmas spatiaux étudiés. Dans le cas du vent solaire, l’évolution de la turbulence dépend des caractéristiques du milieu, en expansion depuis le Soleil et fortement magnétisé. Ce champ magnétique introduit par ailleurs une anisotropie qui doit être prise en compte dans les modèles.
Il existe deux régimes de turbulence : la turbulence forte et la turbulence faible. Dans le premier cas, les fluctuations du plasma (eg. en champ magnétique) sont au moins du même ordre de grandeur que le champ magnétique moyen. Dans le second cas, ces fluctuations sont significativement plus petites, ce qui permet d’entreprendre des développements perturbatifs. Des études analytiques et numériques sont menées au LPP sur ces deux régimes (voir la figure ci-dessous).
Turbulence MHD forte et faible. Simulation numérique directe de MHD en champ magnétique fort à la résolution 3072x3072x256. Cette image montre, dans une fraction du plan transverse au champ moyen, l’intensité des fluctuations du champ magnétique. La coexistence des régimes de turbulence forte et faible se manifeste par la présence de structures cohérentes (sous forme de gros tourbillons) et de structures incohérentes à plus petite échelle (Meyrand et al., 2015).
Les modélisations numériques
Les équations de la physique des plasmas sont complexes puisqu’on doit combiner description du plasma lui-même avec les équations des champs électromagnétiques. La turbulence étant fondamentalement non-linéaire, la simulation numérique est un outil précieux, abondamment développé au LPP.
Expansion d’un volume de plasma de 0.2 à 1 UA : dynamique du champ de magnétique (à gauche) et du champ de vitesse fluctuant (après soustraction du champ radial moyen (à droite). Initialement (en bas), les lignes de vitesse et de champ sont isotropes. A la fin (en haut), après étirement transverse du volume de plasma par le vent radial, les lignes de champ magnétique se retrouvent principalement perpendiculaire à la radiale (la direction radiale moyenne est verticale), et les lignes de vitesse se retrouvent principalement radiales, formant naturellement des microjets. Ces deux évolutions combinées sont observées et ont des conséquences importantes sur la cascade turbulente (Dong et al, 2014).
En ce qui concerne la turbulence plusieurs types de codes sont utilisés : Hall MHD, electron MHD, code MHD 3D ou hybride 2D avec coordonnées comobiles avec l’expansion du vent, code MHD 2D axisymétrique global, codes Shell-model, Landau fluid.
Présentation
La reconnexion magnétique est un phénomène plasma universel et important. Nous pensons aujourd’hui qu’il est à l’origine de nombreux phénomènes éruptifs et explosifs dans le système solaire ainsi que dans des environnements astrophysiques plus lointains.
Chercheurs LPP
- G. Aulanier, N. Aunai, G. Belmont, P. Canu, O. Le Contel, S. Masson, E. Pariat, A. Retino, R. Smets
Sélection de publications
- N. Aunai, G. Belmont, and R. Smets, Proton acceleration in antiparallel collisionless magnetic reconnection : Kinetic mechanisms behind the fluid dynamics, J. Geophys. Res., 116(A), 09232, 2011.
- N. Aunai, A. Retino, G. Belmont, R. Smets, B. Lavraud and A. Vaivads, The proton pressure tensor as a new proxy of the proton decoupling region in collisionless magnetic reconnection, Ann. Geophys., 29, 1571–1579, 2011.
Qu’est-ce que la reconnexion ?
Elle se produit au sein de couches de courant électrique, formées lors de l’interaction d’environnements plasmas au sein desquels le champ magnétique a des orientations différentes. Lorsque ces couches s’affinent au point d’atteindre une échelle dissipative, les lignes de champ magnétique peuvent changer leur connectivité, qui autrement doit être conservée. Le processus est illustré sur la figure 1.
Figure 1. De gauche à droite, on peut voir les lignes de champ magnétique (lignes noires) et le plasma (particules colorées) interagir et changer leur connectivité. Les particules vertes, auparavant connectées magnétiquement, deviennent alors magnétiquement disjointes, et reconnectées aux particules violettes. A l’instar d’un élastique, les lignes de champ magnétique se détendent et libèrent l’énergie précédemment accumulée dans le système en accélérant et chauffant le plasma.
La reconnexion dans l’équipe plasmas spatiaux du LPP
Figure 2. Représentation du système Soleil-Terre (et plus généralement Etoile-Planète). En bas sont représentés de gauche à droite, le pulsar central de la nébuleuse du crabe, une vue d’artiste de Magnétar, et la région du trou noir central de notre voie lactée, qui sont autant d’environnements astrophysique où la reconnexion pourrait jouer un rôle crucial dans l’accélération de particules très énergétiques.
Comme on le voit sur la figure 2, le vent de plasma soufflé par le Soleil s’écoule dans le milieu interplanétaire et interagit avec les magnétosphères. La reconnexion joue un rôle important à toutes les étapes de ce parcours : déclenchement des éruptions solaire, peut affecter la propagation dans l’espace des éjections de masse coronale, contrôle la façon dont ces structures interagissent avec la magnétosphère, et enfin accélère et chauffe le plasma dans la queue magnétosphérique.
Au sein du LPP, nous étudions essentiellement ce processus lorsqu’il se déroule dans le système solaire, le seul environnement à la portée de nos missions spatiales. Nous analysons les données mesurées in situ par des satellites dans le milieu interplanétaire et dans la magnétosphère terrestre. Ces environnements constituent un véritable laboratoire d’étude de la reconnexion, dont nous pouvons extrapoler certains comportements aux environnements astrophysiques inaccessibles, ou encore comparer à des phénomènes de laboratoire se produisant dans les dispositifs à confinement magnétique tels que les Tokamaks.
Entre autres acquises par les missions Cluster, Themis et Magnetospheric MultiScale (MMS), les données in situ nous informent sur les mécanismes microphysiques et non-collisionnels qui gouvernent la reconnexion, l’accélération et le chauffage du plasma.
Figure 3. Exemple de signatures associées à un événement de reconnexion magnétique mesuré par Cluster à la magnétopause terrestre.
De façon conjointe aux observations satellites, nous étudions les mécanismes gouvernant l’évolution de la reconnexion et son impact sur son environnement via la simulation numérique.
Selon l’échelle considérée, nous utilisons des codes aux approximations différentes. Certains codes traitent le plasma comme un fluide, d’autres comme un ensemble de particules, et d’autres encore sont hybrides et traitent les ions comme des particules et les électrons comme un fluide. Les simulations permettent, de façon complémentaire aux observations, d’isoler certains mécanismes physiques dans un cadre simplifié et reproductible.
Figure 4. A propos de reconnexion ... (figures issues de simulations hybride, full-PIC et particule-test). Source : N. Aunai.
Exemples de questions abordées au LPP
- Quel est l’impact de l’environnement plasma imposé à grande échelle (asymétries, géométrie etc.) sur le processus de reconnexion ? Par exemples, quelles sont les différences entre la reconnexion à la magnétopause et dans la queue magnétosphérique ?
- Quelles sont les régions critiques où le plasma ne peut être assimilé à un fluide mais doit être traité de façon particulaire ? Quels sont les mécanismes de chauffage et d’accélération des particules ? Comment réconcilier le point de vue particulaire et le point de vue fluide (moyen) ?
- Quel est le lien entre la reconnexion et la turbulence ? La reconnexion est-elle une source de turbulence, et dans quelle mesure participe-t-elle à la dissipation de l’énergie aux petites échelles ?
D’autres questions sont abordées par les chercheurs qui travaillent sur les expériences de laboratoire : la reconnexion par LASER et les applications à la physique des hautes densités d’énergie, le déclenchement des dents de scie dans les Tokamaks.
Chercheurs LPP
R. Pottelette,M. Berthomier
Sélection de publications
- Pottelette, R., Berthomier, M., and Pickett, J. : Radiation in the neighbourhood of a double layer, Ann. Geophys., 32, 677-687, doi:10.5194/angeo-32-677-2014, 2014.
- Pottelette, R., N. Dubouloz et M. Malingre Accélération et rayonnement dans les aurores boréales, Images de la Physique, 2001.
Introduction
L’impact du vent solaire sur notre planète induit des phénomènes physiques spectaculaires au niveau des régions aurorales. Dans ces régions de hautes latitudes le champ magnétique terrestre connecte la basse ionosphère, reliée par friction à l’atmosphère, et la magnétosphère externe reliée dynamiquement au vent solaire (un tel couplage est généralement absent à moyennes et basses latitudes car les lignes de champ magnétique ne s’étirent pas assez loin dans l’espace et restent confinées à la magnétosphère interne). Par suite de ce couplage, des électrons du vent solaire sont guidés le long des lignes de champ aurorales depuis les confins de la magnétosphère externe jusqu’aux basses altitudes, tout en étant accélérés jusqu’à des énergies de l’ordre de 10 keV par divers mécanismes qui ne sont pas encore totalement élucidés. L’accélération des électrons se traduit par l’émission d’un rayonnement électromagnétique intense, baptisé rayonnement kilométrique terrestre (RKT), et par la précipitation dans la haute atmosphère des électrons ainsi accélérés.
Ces électrons énergétiques entrent alors en collision avec les constituants majoritaires de l’atmosphère terrestre, et transfèrent ainsi aux atomes d’oxygène et d’azote leur énergie, qui est ensuite rayonnée sous forme d’émissions lumineuses qui sont connues sous le nom d’aurores (boréales dans l’hémisphère Nord, australes dans l’hémisphère Sud). Les régions aurorales jouent donc un rôle particulier en raison de leur connexion aux frontières externes de la magnétosphère. La figure ci-dessous, prise à l’aide d’une caméra ultra violette embarquée sur le satellite Polar, montre que les aurores se produisent sur une ceinture étroite en latitude (quelques degrés) ayant la forme d’un ovale entourant chacun des pôles magnétiques. Ces régions baptisées « ovale auroral » constituent donc, au niveau de la basse ionosphère aurorale, les pieds des lignes de champ provenant de la surface externe de la magnétosphère.
Vue de l’ovale auroral prise par une caméra UV à bord du satellite Polar (Iowa University)
Les aurores et l’accélération des électrons
Les aurores sont la manifestation « grande échelle » de l’accélération des électrons. Par suite du couplage imposé par le champ magnétique terrestre, la magnétosphère et l’ionosphère réagissent simultanément, mais différemment, aux perturbations véhiculées par le vent solaire :
- Le long de certaines lignes de champ, les électrons énergétiques en provenance de la surface externe de la magnétosphère sont accélérés vers la Terre jusqu’à des énergies 10 keV. Ces électrons entrent en collision avec les constituants majoritaires de l’atmosphère terrestre, et transfèrent ainsi aux atomes d’oxygène et d’azote leur énergie, qui est ensuite rayonnée sous forme d’émissions lumineuses. Plus les électrons sont énergétiques et plus ils pénètrent profondément dans l’atmosphère. La composition de l’atmosphère variant avec l’altitude, certaines couleurs sont préférentiellement émises à une altitude donnée, leur diversité produit le magnifique spectacle d’illumination totale du ciel (Voir la photo).
- Le plasma devant rester globalement neutre, l’ionosphère doit réagir à cet apport de charges négatives en provenance de la magnétosphère. Le long d’autres lignes de champ, adjacentes aux précédentes, les électrons ionosphériques sont eux accélérés vers les confins de la magnétosphère afin de compenser le surcroît de charges négatives. Ces régions sont donc caractérisées par l’absence d’émissions lumineuses et apparaissent comme des franges sombres dans les aurores.
Photo de draperies lumineuses dans une aurore (© Dr. Yamauchi (IRF Kiruna))
Les théories élémentaires montrent que dans le plasma de la magnétosphère où les collisions binaires sont absentes, la conductivité devrait être infinie le long du champ magnétique. En d’autres termes, ne pouvant être soutenu par des collisions, le champ électrique parallèle devrait être nul, or les données expérimentales montrent qu’il n’en est rien. Elles établissent clairement que l’accélération des électrons a lieu dans une région où les lignes champ magnétique cessent d’être des équipotentielles ; un champ électrique parallèle aux lignes de champ magnétique E// dirigé dans la direction opposée à la Terre se développe. Dans ces régions les électrons sont accélérés parallèlement vers la Terre, tandis que les ions sont accélérés parallèlement vers les confins de la magnétosphère. Ce modèle simple a l’avantage de décrire correctement les observations. Cette simplicité apparente cache un épineux problème : comment, en l’absence de collisions, peut-on maintenir un champ électrique parallèle susceptible de rendre compte de l’accélération observée ? Les mesures à haute résolution temporelle effectuées récemment dans les régions d’accélération semblent apporter un premier élément de réponse : la Turbulence atteint un niveau d’amplitude élevé et elle s’organise en structures à petite échelle. Un champ électrique parallèle, non supporté par des collisions classiques mais par des interactions ondes-particules à l’intérieur de structures non linéaires localisées, peut ainsi émerger de cette turbulence.
De fait, les données satellitaires révèlent que là où la Turbulence est intense, les régions aurorales sont caractérisées par la présence de champs électriques parallèles localisés. La figure de gauche illustre la présence d’un champ électrique statique monopolaire de plusieurs centaines de mV/m qui accélèrent les électrons vers la Terre. Ces structures localisées sont appelées « Double Couche », elles ont une étendue spatiale le long du champ magnétique terrestre de plusieurs dizaines de kilomètres et sont donc porteuses d’une différence de potentiel de plusieurs kV. Les « double couche » sont toujours associées à la présence de champs électriques bipolaires représentés sur la figure de droite. Ces derniers caractérisent les structures de Turbulence forte connues sous le nom de « trous d’électrons » dans l’espace des phases ; leur étendue spatiale est très faible de l’ordre de quelques centaines de mètre.
Structures localisées de champ électrique (de Pottelette et al, 2014)
Il convient de souligner que la quasi-totalité de l’énergie, préalablement stockée à grande échelle par le vent solaire dans la magnétosphère, est dissipée dans les régions aurorales terrestres. La caractérisation de la Turbulence aurorale montre que cette dissipation s’effectue par le biais de structures de petite échelle.
La radiosource « TERRE »
L’émission de rayonnements électromagnétiques est une conséquence directe de l’accélération parallèle des électrons, et apparaît comme un mécanisme universel puisque des processus analogues se produisent dans les plasmas les plus reculés de notre univers. On sait maintenant que les environnements ionisés de tous les objets magnétisés du système solaire (y compris le Soleil) possédant une atmosphère dense émettent des rayonnements électromagnétiques intenses. La Terre n’échappe pas à cette règle : vue de l’espace interplanétaire notre planète se comporte comme une radiosource qui émet une puissance de 10 à 100 Mégawatts dans le domaine des ondes kilométriques (Fréquences centrées autour de 300 kHz). Ce rayonnement se propage à des distances de plusieurs unités astronomiques (1 ua 150 millions de kilomètres) de la Terre, et constitue, en quelque sorte, le « messager » des processus d’accélération se produisant autour de notre planète. Son existence a été ignorée jusqu’aux années 1965 car il est engendré à haute altitude et ne peut traverser les couches denses de l’ionosphère. De fait, il a fallu disposer de satellites opérant très au dessus de l’ionosphère pour découvrir que la Terre était une puissante radiosource.
Spectrogramme du Rayonnement Kilométrique Terrestre (de Pottelette et al, 2001)
Le Rayonnement Kilométrique Terrestre (RKT) est engendré à des altitudes comprises entre 3000 et 15000 km à l’intérieur de cavités où la densité des particules du plasma est très faible (< 1 cm-3). La taille de ces cavités est typiquement de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres dans la direction transversale par rapport au champ magnétique. La figure montre un spectre dynamique fréquence-temps mesuré dans les régions source. Le RKT forme la partie haute fréquence du spectrogramme, on observe que l’émission la plus intense a grossièrement la forme d’un V aplati. L’intensité du rayonnement atteint son maximum lorsque la fréquence minimum (pointe du V) coïncide avec la fréquence cyclotron locale des électrons. Cette dernière est la fréquence naturelle de rotation des électrons autour du champ magnétique terrestre ; elle est indiquée par une ligne noire sur la figure du haut. Le RKT apparaît comme une instabilité électromagnétique engendrée à une fréquence naturelle du plasma. Approximativement 1% de l’énergie cinétique des électrons énergétiques précipitant est ainsi convertie en énergie électromagnétique.
La figure du bas montre qu’à haute résolution temporelle, le spectre du RKT apparaît composé d’un grand nombre de structures fines dérivant en fréquence. Ces observations semblent indiquer que les régions sources sont en fait composées d’une multitude de sources ponctuelles qui pourraient résulter de la présence de structures turbulentes localisées ; ces dernières joueraient ainsi le rôle d’antennes naturelles plongées dans le plasma.
Conclusions
Les plasmas circumterrestres des régions aurorales constituent un laboratoire privilégié « aisément accessible » pour aborder « in situ » l’étude de la chaîne complexe de mécanismes conduisant à l’accélération des particules chargées et à l’émission d’un intense rayonnement électromagnétique cohérent. L’universalité de ces mécanismes les rend transposables à l’étude des radiosources lointaines, baignant dans des vents stellaires, qui sont et resteront inaccessibles à la mesure directe. La communauté scientifique française est activement associée à différentes expériences spatiales internationales destinées à percer le mystère des aurores.
Bien que les aurores aient été mentionnées dans des textes datant de plusieurs milliers d’années et que les mécanismes physiques leur donnant naissance aient pu être étudiés récemment par des expériences embarquées à bord de véhicules spatiaux, elles gardent encore beaucoup de leurs mystères. Elles représentent de fait la manifestation visuelle des interactions turbulentes entre particules et champs électriques statiques et fluctuants. Ces interactions se produisent sur des échelles spatiales caractéristiques très diverses, variant de quelques centaines de mètres à plusieurs milliers de kilomètres, d’où la difficulté de les quantifier avec le seul point d’observation que constitue un satellite dans l’espace. Les missions précédentes ont de fait démontré les limites de l’analyse des mesures fournies par un satellite unique. Dans une telle configuration, il est en effet extrêmement difficile de déterminer si les variations des différents paramètres mesurés correspondent à l’évolution temporelle du milieu ou bien au déplacement du satellite à travers des structures inhomogènes. La présence de plusieurs satellites convenablement coordonnés permettrait de lever cette incertitude. Le dispositif expérimental doit être conçu de telle manière qu’il soit possible - pour des satellites situés à différentes altitudes - de réaliser des "rendez-vous" le long d’une même ligne de champ magnétique. Une telle mission internationale est actuellement à l’étude et devrait permettre, dans un proche avenir, une description plus approfondie des processus décrits dans cet article.
Dans les gaz on connait les ondes de choc que l’on rencontre devant un obstacle sur le trajet d’un vent supersonique. dans les plasmas aussi, on trouve des ondes de choc.
Les chercheurs du LPP
P. Canu, D. Fontaine, P. Savoini
Quelques articles significatifs
- Turc, L., D. Fontaine, P. Savoini and K. J. Kilpua, Magnetic clouds’ structure in the magnetosheath as observed by Cluster and Geotail : four case studies, Ann. Geophys., doi : 10.5194/angeo-32-1247-2014, 2014.
- Savoini Ph. and B. Lembège, Production of nongyrotropic and gyrotropic backstreaming ion distributions in the quasi-perpendicular ion foreshock region, J. Geophys. Res., Space Physics, 120, 7154-7171, doi : 10.1002/2015JA021018, 2015.
Qu’est-ce qu’une onde de choc ?
Une onde de choc est essentiellement un convertisseur d’énergie. Elle convertie l’énergie d’un flot incident (énergie cinétique dirigée) en énergie thermique (chauffage).
Dans un fluide, c’est une zone localisée de forts gradients à travers laquelle le fluide passe d’un état supersonique (Vfluide > Vinfo) à un état subsonique (Vfluide ≤ Vinfo) où Vinfo est la vitesse caractéristique à laquelle l’information peut se propager. Dans un fluide ordinaire comme l’air ou l’eau, cette vitesse est la vitesse du son et se sont les collisions entre particules qui sont à l’origine, à l’échelle microscopique, de cette dissipation. Dans un fluide non collisionnel comme le sont les plasmas spatiaux, le problème est tout autre car ce couplage via les collisions y est absent et se sont des interactions ondes-particules beaucoup plus complexes qui sont à l’œuvre.
Figure 1. Illustration de l’écoulement d’un fluide rencontrant un obstacle fixe. A gauche, le fluide est subsonique et donc l’information de la présence de l’obstacle peut être transmise au fluide, celui-ci s’écarte en arrivant dessus. A droite, le fluide est supersonique et aucune information ne peut parvenir au fluide, celui-ci percute alors l’obstacle, créant une zone où la densité, la température et la vitesse augmentent, la frontière extérieure de cette zone est l’onde de choc.
Source P. Savoini
L’importance de ces ondes de choc est évidente lorsque l’on se souvient que l’Univers dans son ensemble est constitué de plasmas en mouvement. Il existe un flot de plasma, donc d’énergie, entre les planètes, les étoiles et les galaxies. Des ondes de choc existent dans l’atmosphère du soleil (la couronne) durant les éruptions solaires et d’autres événements actifs du soleil. Les éruptions et les éjections de masse coronale injectent dans le vent solaire des particules rapides créant des ondes de choc interplanétaires qui se propagent à travers tout le système solaire. Plus loin de nous, on peut trouver des jets de matière venant de galaxies actives dont l’interaction avec le milieu interstellaire peut aussi générer de telles structures. Durant l’explosion d’une étoile (supernova), une quantité énorme d’énergie est déposée dans un temps très court dans le milieu interstellaire, si bien que des ondes de choc se forment et se propagent vers l’extérieur, etc...
L’onde de choc terrestre
Figure 2. Vue d’artiste représentant les différentes régions caractéristiques du choc sans collision de la Terre. Les zones colorées devant d’onde de choc, représentent le pré-choc électronique (en jaune) et le pré-choc ionique (en rouge). Les lignes de champ magnétiques interplanétaires sont en bleu. Source Tsurutani et Rodriguez, 1981
Au LPP, on étudie essentiellement l’onde de choc terrestre créée par l’interaction du vent solaire, plasma chaud et peu dense en expansion, avec la magnétosphère de la Terre. En effet, cette onde de choc a l’immense avantage d’être dans notre banlieue proche et donc d’autoriser une étude in-situ très complète de sa structure.
La mise en évidence expérimentale d’une telle structure a été réalisée dans les années 1960 grâce au satellite IMP-1 et son étude s’est poursuivie jusqu’ici, à l’aide de satellites de plus en plus puissants tel que l’escadre de satellites Cluster. Une compilation des données expérimentales et de résultats de simulations numériques a permis de mettre en évidence les deux principaux paramètres caractéristiques de l’onde de choc terrestre :
1/ L’angle de propagation : \Theta_{Bn} . C’est l’angle entre la normale locale au choc et le champ magnétique interplanétaire. On peut définir deux grands domaines de propagation :
- Le domaine quasi-perpendiculaire : 45 \leq \Theta_{Bn} \leq 90 qui se caractérise par un saut très net du champ magnétique et de la densité sur une distance étroite (Dchoc 100 km)
- Le domaine quasi-parallèle : 0 \leq \Theta_{Bn} \leq 45 beaucoup plus turbulent. Il se caractérise par des fluctuations de grande amplitude du champ magnétique et de la densité. Il s’étend sur une longueur spatiale Dchoc beaucoup plus importante (allant de 1000 km à plusieurs rayons terrestres) qui rend d’ailleurs parfois ambigüe la localisation même du "choc".
Figure 3. Synoptique d’un choc non-collisionnel similaire au choc magnétosphérique terrestre. La direction du champ magnétique interplanétaire (non perturbé) est indiquée sur la plate-forme de base. L’amplitude de B (perturbé) est représentée perpendiculairement par rapport à cette plateforme. La flèche rouge donne la direction du vent solaire. Source Greenstadt and Fredricks, 1979
Le choc est ainsi défini sur la figure 3 par la signature du module du champ magnétique (en ordonnées) obtenue dans le plan de l’écliptique. Le choc est bien entendu courbe (à deux dimensions sur la figure et à trois dimensions en réalité).
2/ Le nombre de Mach : Ce paramètre est défini comme le rapport entre la vitesse d’écoulement du plasma en amont de l’onde de choc et la vitesse caractéristique associée. C’est une mesure directe de l’énergie apportée par le vent solaire et qui devra être dissipée par l’onde de choc. Comme on peut s’y attendre, plus le nombre de Mach est élevé, plus l’énergie disponible est importante et plus l’onde de choc possède des propriétés spectaculaires. Dans le système solaire, les chocs qui peuvent y être trouvés ont des nombres de Mach compris entre 1 et 20. De manière plus générale, ces nombres peuvent être plus importants dans certaines circonstances et même atteindre des facteurs de l’ordre de 1000 dans les restes des supernovae. Il est intéressant de noter qu’au delà d’une certaine valeur critique MA* ( 3-4), l’onde de choc réfléchit une partie des ions ce qui provoque un comportement non stationnaire comme illustré par la figure 4, comportement prédit par les simulations numériques avant d’être observées expérimentalement.
Figure 4. Simulation auto-cohérente d’une onde de choc perpendiculaire montrant l’espace des phases des ions (leur vitesse Px le long de la normal au choc) au cours du temps. Le profil du champ magnétique associé est reporté en mauve. Source P. Savoini
Etudes sur le préchoc ionique réalisées au LPP
Comme son nom l’indique, cette région en rouge sur la figure 2 se trouve devant le choc mais lui est magnétiquement connectée. Ce préchoc est essentiel dans la morphologie des ondes de choc planétaires et interplanétaires et il est propre aux chocs non-collisionnels. En effet, ce préchoc peut sembler paradoxal puisque l’onde de choc doit être considérée comme un ” horizon ”, c’est-à-dire la limite au-delà de laquelle aucune information ne peut se propager (voir figure 1). Ce paradoxe peut être résolu en se rappelant que dans un plasma non collisionnel (et seulement dans ce type de plasma !), les particules peuvent avoir des vitesses quelconques (mais bien sûr inférieure à la vitesse de la lumière). Cette région du préchoc est donc peuplé par des ions ayant été réfléchis par l’onde de choc, après y avoir été accélérés à de très grandes vitesses.
De telles particules transportent beaucoup d’énergie, interagissent avec le milieu ambiant et produisent une multitude d’ondes (instabilités), faisant du préchoc un bestiaire très riche constitué de différents types de particules et d’ondes.
Des simulations récentes concernant le choc quasi-perpendiculaire ont permis d’obtenir des informations sur les différentes populations d’ions réfléchis en amont, à savoir les faisceaux alignés "Field-Aligned Beam" (ou FAB) et les faisceaux non gyrotrope "Gyro-phase bunched population" (ou GPB) qui se caractérisent par des fonctions de distributions comme illustrées par la figure 5. Cette étude est en cours mais à permis de montrer que l’onde de choc elle-même pouvait être à l’origine de ces deux populations et ce grâce à un mécanisme d’accélération commun [Savoini et Lembège, 2015].
Figure 5. Différent types de population d’ions réfléchis sont présentes dans le préchoc ionique : les FAB et les GPB. Observés à la fois expérimentalement par CLUSTER [Meziane et al., 2004, 2005] et dans les simulations numériques 2D PIC [Savoini et Lembège, 2013, 2015]. Source P. Savoini.
Etudes sur l’interaction entre un nuage magnétique et l’onde de choc réalisées au LPP
L’idée que les éruptions solaires libèrent des nuages de plasma qui se propagent ensuite dans le milieu interplanétaire a été proposée par Sidney Chapman en 1929. Ces structures sont appelées des éjections de masse coronales. Les nuages magnétiques en sont un cas particulier, ils sont caractérisés par une structure magnétique bien définie. Au niveau de la Terre, environ un tiers des éjections de masse coronales observées sont des nuages magnétiques qui jouent un rôle central dans les relations Soleil-Terre, notamment parce qu’ils sont à l’origine des tempêtes géomagnétiques les plus intenses.
L’étude de leur interaction avec l’environnement terrestre présente donc aussi un intérêt majeur parce qu’elle soulève des questions plus fondamentales, telles que la façon dont s’effectue le couplage entre vent solaire et magnétosphère.
Nous avons donc ainsi pu montrer que si le choc traversé est en régime quasi-perpendiculaire, la structure magnétique du nuage magnétique est peu modifiée dans la magnétogaine, tandis qu’elle varie fortement au passage d’un choc quasi-parallèle [Turc et al., 2013, 2014, 2015].
Figure 6. Représentation schématique d’un nuage magnétique dans le plan de l’écliptique. Source Zurbuchen et Richardson (2006).
C’est ainsi qu’en aval d’un choc quasi-parallèle, la direction du champ magnétique varie de plus de 50◦ par rapport à celle observée dans le vent solaire. Dans ce régime de choc, nous retrouvons les fluctuations de densité et de champ magnétique observées par Cluster. Les simulations montrent, toutefois, que le nuage magnétique modifie la structure à grande échelle de ces régions de l’environnement planétaire. En particulier, la tension magnétique due au drapé des lignes de champ autour de la magnétopause tend à accélérer efficacement les particules dans les secteurs de la magnétogaine perpendiculaires au champ magnétique en amont du choc. Du fait de la rotation lente du champ magnétique au sein du nuage magnétique, ces régions se déplacent au fur et à mesure de son passage. Par ailleurs, l’arrivée du nuage magnétique a aussi un impact important sur la zone du pré-choc qui voit sa dynamique totalement modifiée par l’arrivée du nuage subissant une forte atténuation due à la diminution du nombre de Mach d’Alfvén mais aussi une rotation globale due à l’orientation du champ magnétique qui tourne dans le nuage.
Ces résultats montrent qu’il est indispensable de prendre en compte la magnétogaine pour atteindre une compréhension plus fine de l’impact de ces structures sur l’environne- ment terrestre, car l’orientation de leur champ magnétique peut varier de façon significative en aval du choc, le plasma est accéléré à des vitesses pouvant être supérieures à celle du vent solaire sur les flancs de la magnétosphère et des régions turbulentes apparaissent au voisinage du choc quasi-parallèle, en amont comme en aval.
On donne ici un aperçu des modèles théoriques du vent solaire tels qu’ils découlent du premier modèle isotherme de Parker (1958). Le but des modèles est de prédire l’évolution du vent et de ses transitoires (CME, etc…) à partir des conditions de surface (topologie magnétique principalement).
Chercheurs du LPP
R. Grappin
Quelques publications significatives
- Wang Y.-M., Grappin R., Robbrecht E., Sheeley J. N. R., On the nature of the solar wind from the coronal pseudostreamers, The Astrophysical Journal 749 (2) 182 (2012)
- Grappin R., Wang Y.-M., Pantellini F., Two-Temperature Models for Polar Plumes : Cooling by Means of Strong Base Heating, The Astrophysical Journal 727 (1) 30 (2011)
- Pinto R., Grappin R., Wang Y.-M., Léorat J., Time-dependent hydrodynamical simulations of slow solar wind, coronal inflows, and polar plumes, Astronomy and Astrophysics 497 (2) 537—543 (2009)
- Wang, Y.-M., Ko, Y.-K. & Grappin, R. Slow Solar Wind From Open Regions with Strong Low-Coronal Heating. ApJ 691, 760–769 (2009).
Le vent solaire
Le vent solaire a été découvert très indirectement en 1951 par Biermann qui a compris que la déviation de la direction de la queue des comètes (à l’opposé de la direction solaire) ne pouvait s’expliquer que si on supposait que le Soleil était la source d’un plasma émis par le Soleil.
Ce plasma provient de certaines régions, dites « ouvertes » du Soleil. Sa densité est très faible au niveau de l’orbite terrestre (quelques particules par cm3), il est très chaud (≈ 10 000 K) et sa vitesse est ≈ 600 km/s (Mach ≈ 10), si bien que le transport de la matière solaire depuis sa haute atmosphère (« couronne ») jusqu’à la terre prend environ 4 jours.
Parker en 1958 a découvert que le vent solaire semblait bien être une solution particulière de l’équation des gaz dans un champ de gravité central. Une solution supersonique telle que le vent solaire s’obtient à deux conditions : que la haute atmosphère du soleil soit très chaude (≈ 106 K), et que la gravité diminue avec la distance au centre de l’étoile : les deux conditions sont vraies. De ce point de vue, l’origine du vent solaire s’identifie au problème du chauffage de la haute atmosphère, ou couronne solaire.
Les données expérimentales
Figure 1 Mesure de la vitesse du vent solaire à l’aide des scientillations radio. Source Scott et al 1983
- La zone d’accélération. La radio-astronomie a permis très tôt de localiser la zone d’accélération du vent même aux hautes latitudes. La figure 1 montre l’évolution de la vitesse du vent entre 0 et 50 rayons solaires.
- Les sources. Dans la couronne, l’énergie magnétique domine tout : l’écoulement du plasma est donc complètement guidé par la topologie magnétique. Les sources du vent sont les zones de champ magnétique ouvert. Quelques points importants :
- une petite fraction de la surface solaire totale est ouverte
- la fraction ouverte varie avec le cycle solaire
- les zones ouvertes ne sont pas à symétrie sphérique : elles sont en sur-expansion (Figure 2).
- Relation entre les sources et la vitesse de croisière du vent : la loi d’Arge-Wang-Sheeley
Figure 2. Champ magnétique dans la couronne, extrapolé à partir des mesures à la surface., pour un minimum d’activité solaire à gauche, pour un maximum à droite. Source : Wang 2009, communication personnelle.
Figure3. Schéma montrant la sur-expansion des tubes de flux magnétique dans la couronne solaire.
On définit la sur-expansion f du tube magnétique source (Figure 3) à partir de la section A(r) du tube magnétique local, en normalisant la surface du tube par celle du tube "radial" de référence en r2 :
f = \frac{A(r_{max})}{A(r_0)} (\frac{r_0}{r_{max}})^2 (rmax≈ 2.5 RS)
NB On utilise aussi l’indice n = (1/A)dA/dr
La surexpansion du tube est donc définie soit par l’indice n >2, soit par le nombre f > 1. La comparaison entre sur-expansion du champ magnétique dans la couronne et vitesse du vent à l’orbite terrestre a permis de trouver empiriquement la loi dite d’Arge-Wang-Sheeley que nous écrirons ainsi :
U_{1AU} \simeq 1/f^{1/3}
Cette loi reproduit bien les mesures faites par la sonde Ulysses hors du plan de l’écliptique (Figure 4).
Figure 4. Mesures par la sonde Ulysses (ESA/NASA) de la vitesse du vent solaire pendant plusieurs années (haut) ; la couleur indique la direction du champ magnétique. Les courbes sont superposées à des images du Soleil obtenues par la sonde SOHO (ESA/NASA). En dessous est tracé le nombre de tâches solaires, en fonction du temps pendant la même période, mesure du niveau d’activité solaire. On voit clairement des compurtements différents, dépendant de l’activité solaire. Source MacComas et al (2003)
La physique du vent solaire
Figure 5. Stratification en densité et en température, avec références à quelques modèles numériques.
(Parker (1958) a montré qu’une étoile pouvait générer un écoulement proche de celui du vent solaire, qui dépasse la vitesse du son à quelques rayons solaires d’altitude. Pour cela, il a dû simplifier la dynamique, supposer le gaz isotherme, et une haute atmosphère très chaude, à plusieurs MK (Figure 5). Or la conduction thermique doit refroidir très vite la couronne : pour équilibrer la perte conductive, il faut en permanence apporter de l’énergie et la transformer en chaleur en altitude. C’est l’excès de pression qui en résulte (comparé à l’équilibre hydrostatique) qui accélère le vent. Le phénomène se reproduit ensuite plus loin à plus grande distance, dans le vent supersonique.
La source de l’énergie est le soleil, plus précisément le champ magnétique qui émerge en permanence de sous la surface dans l’atmosphère par la convection thermique visible sous forme de granulation solaire. La Figure 6 va dans ce sens : elle montre que la luminosité X des étoiles et des structures magnétiques solaires est proportionnelle au flux magnétique de surface.
L’énergie magnétique amenée par les ondes est ensuite dissipée par des phénomènes de type "cascade turbulente" : aucune version complète de ce scénario n’est disponible actuellement.
Figure 6. Relation entre la luminosité X et le flux magnétique à la surface pour des structures solaires et pour des étoiles. Source : Pevtsov et al, 2003
Les questions abordées au LPP
- Conception d’un modèle de vent dans lequel le chauffage du plasma et l’accélération du vent sont obtenus par injection d’énergie (ondes) àpartir de
la surface. - Recherche de modèles de dissipation turbulente permettant de compléter le modèle précédent et le rendre auto-suffisant, afin de prédire les propriétés du vent à l’orbite terrestre en fonction du champ magnétique mesuré à la surface
Le modèle de vent solaire développé au LPP est décrit plus en détail sur le site de « VP ». Par ailleurs, pour les modèles particulaires (ou plus précisément exosphériques), nous reportons le lecteur aux excellents exposés qu’on peut trouver sur le site du LESIA.
Les missions Solar Probe Plus et Solar Orbiter sur lesquelles le LPP est fortement impliqué vont permettre de préciser les contraintes que les modèles de chauffage devront respecter, en nous donnant des informations précieuses sur le plasma proche du soleil, en particulier sa variabilité temporelle.
Chercheurs LPP
G. Belmont, N. Cornilleau-Wehrlin, A. Retinò, L. Rezeau
Sélection de publications
- Manuzzo, R., Belmont, G., Rezeau, L., Califano, F., Denton, R., Crossing of Plasma Structures by spacecraft : a path calculator, J. Geophys. Res. Space Physics, 12, doi :10.1029/2019JA026632, (2019)
- Dorville N., Belmont G., Rezeau L., Grappin R., Retinò A., Rotational/compressional nature of the magnetopause : Application of the BV technique on a magnetopause case study, Journal of Geophysical Research Space Physics 119 1898-1908 (2014)
- Rossi C., Califano F., Retinò, A., Sorriso Valvo L., Henri P., Valentini F., Servidio S.,Chasapis A.,and Rezeau L., Two dimensional turbulence inside Kelvin-Helmholtz vortices at the terrestrial magnetopause, Physics of Plasmas, 22, (12), 2303, doi:10.1063/1.4936795, (2015)
Qu’est-ce qu’une magnétopause ?
La Terre, comme d’autres planètes ou satellites du système solaire, possède un champ magnétique propre, principalement généré par un effet de dynamo dû aux mouvements de convection dans le noyau terrestre, composé à 90% de fer liquide. Proche de la Terre, ce champ est essentiellement dipolaire. Cependant, à de plus grandes distances, de l’ordre de plusieurs rayons terrestres, il est comprimé et déformé par l’effet de son interaction avec le vent solaire. La région dominée par le champ magnétique terrestre, appelée magnétosphère, possède donc une forme aplatie en direction du soleil (nez de la magnétosphère) et allongée de l’autre côté (queue magnétosphérique).
Magnetosphère de la Terre. Schéma de l’interaction entre le vent solaire et la magnétosphère. Le soleil est loin sur la gauche. Les lignes de force du champ magnétique (en violet) sont calculées à l’aide du modèle de Tsyganenko. Le vent solaire est indiqué par les flèches jaunes. Credit. P. Robert, LPP
Lorsque le vent supersonique de particules chargées émis par le soleil rencontre cet obstacle magnétique, il est ralenti et comprimé par un choc, formant, autour de la magnétosphère terrestre, la région appelée magnétogaine. Cette région entoure la magnétosphère, qui apparaît comme une "bulle" à l’intérieur de celle-ci, de densité dix fois inférieure et de température dix fois supérieure. Le champ magnétique de la magnétogaine, essentiellement représentatif de celui porté par le vent solaire, est très différent, en particulier pour sa direction, de celui généré par la dynamo terrestre.
La frontière appelée magnétopause terrestre est la frontière fine qui existe entre la magnétogaine et la magnétosphère, c’est-à-dire entre deux régions de champs magnétiques différents, ainsi que de densité et de températures différentes. Elle ne présente pas une forme régulière ni une position constante, mais est sans-cesse en mouvement et déformée, du fait des variations du vent solaire, du développement local d’instabilités et de l’existence d’ondes de surface notamment. Sa distance à la Terre relativement faible en fait un lieu privilégié pour l’étude in-situ de telles interfaces fines de transition entre deux plasmas et champs magnétiques différents. Son étude est d’intérêt général en astrophysique et en physique des plasmas. Elle est le lieu de processus universels tels que la reconnexion magnétique ou l’instabilité de Kelvin-Helmholtz.
L’exploration spatiale
Un certain nombre de missions scientifiques auxquelles participe le LPP ont ainsi parmi leurs objectifs une meilleure compréhension de la structure de cette frontière et des processus s’y déroulant. C’est notamment le cas des missions Cluster, THEMIS, ou MMS. Un certain nombre de missions d’exploration plus lointaine, comme la mission Cassini, permettent aussi d’étudier les magnétopauses d’autres objets du système solaire.
Les questions abordées au LPP
Les études menées au LPP concernent la détermination de la structure de la frontière quand elle est au repos et la façon dont elle se trouve perturbée. Au repos, il s’agit de comprendre comment le plasma du vent solaire et celui de la magnétosphère s’interpénètrent. Peut-on décrire cette frontière simplement à l’aide des théories des discontinuités dans les plasmas ? Comment diagnostiquer cette structure expérimentalement et comment peut on la comprendre théoriquement (équilibres cinétiques) et à l’aide de simulations numériques ? Il s’agit en fait d’une frontière complexe, loin d’être toujours stationnaire et étanche, qui se trouve perturbée par les inhomogénéités du plasma du vent solaire incident et par des instabilités locales, en particulier l’instabilité de Kelvin-Helmholtz et l’instabilité de déchirement (tearing instability). D’un point de vue expérimental, cela pose des problèmes délicats de traitement des données : Est-elle plane ? Quelle en est la direction normale ? Comment caractériser son mouvement ? Comment diagnostiquer la présence d’instabilités ?
Pour les planètes magnétisées, la magnétosphère est l’enveloppe qui délimite la zone d’influence du champ magnétique intrinsèque de la planète.
Chercheurs LPP
P. Canu,T. Chust, N. Cornilleau-Wehrlin, D. Fontaine, A. Retino, F. Sahraoui
Sélection de publications
- L. Z. Hadid, F. Sahraoui, K. Kiyani, A. Retinò, R. Modolo, P. Canu, A. Masters, M. K. Dougherty, Nature of the MHD and Kinetic Scale Turbulence in the Magnetosheath of Saturn : Cassini Observations, Ap. J. Letters, Volume 813, Issue 2, article id. L29, 6 pp., 2015
- C. Tao, F. Sahraoui, D. Fontaine, J. de Patoul, T. Chust, S. Kasahara, A. Retinò, Properties of Jupiter’s magnetospheric turbulence observed by the Galileo spacecraft, Journal of Geophysical Research, 2015
- N., Romanelli, R. Modolo, E. Dubinin, J.-J. Berthelier, C. Bertucci, J. E. Wahlund, F. Leblanc, P. Canu, N. J. T. Edberg, H. Waite,W. S. Kurth, D. Gurnett, A. Coates, M. Dougherty, Outflow and plasma acceleration in Titan’s induced magnetotail : Evidence of magnetic tension forces, Journal of Geophysical Research, 2014
- A. Masters, L. Stawarz, M. Fujimoto, S. J. Schwartz, N. Sergis, M. F. Thomsen, A. Retinò, H. Hasegawa, B. Zieger, G. R. Lewis, A. J. Coates, P. Canu, M. K. Dougherty, Electron acceleration to relativistic energies at a strong quasi-parallel shock wave, Nature Physics, 2013
Le contexte
L’univers est constitué presque en totalité, à 99%, de plasma. La Terre n’est qu’une infime partie du 1% restant, où la création de plasmas et la maitrise de ses paramètres restent des tâches difficiles et complexes. La compréhension des mécanismes qui régissent ce plasma repose, comme tout autre domaine de la physique, sur une confrontation permanente entre observations, théories et modélisation. Les plasmas du système solaire, l’environnement des planètes, le vent solaire, et leurs interactions, vont donc constituer un laboratoire naturel de première importance où l’observation in-situ des plasmas va permettre d’identifier les questions fondamentales concernant leur comportement, et contraindre les théories.
L’exploration spatiale
Les générations successives de satellites à l’instrumentation toujours en évolution, ont permis d’avoir une description de plus en plus fine de la magnétosphère terrestre, de ses grandes régions, et de sa dynamique. La génération actuelle, basée principalement sur des constellations de satellites comme Cluster, Themis ou MMS, aborde les grandes questions des mécanismes fondamentaux à l’œuvre, turbulence, reconnexion, accélération, chocs, émissions radio, dissipation de l’énergie stockée dans le champ magnétique. L’exploration des planètes poursuivie maintenant par les sondes spatiales, permet la découverte des divers environnements ionisés des objets du système solaire, avec des conditions qui sont souvent très différentes du cas terrestre. Les caractéristiques variées du plasma rencontré conduisent à des études paramétriques des modèles qui ont été développés à partir des observations terrestres.
Des petites planètes et des grosses planètes
La planète Mercure par exemple, offre le cas d’un petit corps possédant un champ magnétique global mais pas d’atmosphère notable. Sa petite magnétosphère, intégralement contrôlée par le vent solaire doit avoir des temps de réaction très rapides. Une première exploration par la sonde Messenger (NASA) mis en orbite en 2011, sera approfondi par les 2 sondes (ESA-JAXA) de la mission Bepi-Colombo lancée en 2018 à laquelle le LPP est largement associé avec deux instruments (MSA et DBSC).
Les planètes géantes, toutes magnétisées, offrent une diversité d’environnements ionisés fascinante pour la physique des plasmas spatiaux. A la différence de la Terre où le plasma et l’énergie disponibles proviennent essentiellement du vent solaire incident, Jupiter et Saturne possèdent des sources de plasma internes, provenant des satellites circulant à l’intérieur de leur magnétosphère (Io pour Jupiter, Encelade pour Saturne). Une grande partie de l’énergie transférée aux particules provient initialement de la rotation rapide de ces planètes (9,8 h pour Jupiter, 10,2 pour Saturne). Les mécanismes de transport du plasma, son confinement et la dissipation de l’énergie accumulée, sont sensiblement différents de ceux rencontrés dans le cas terrestre. L’interaction des divers satellites avec ce plasma sont autant de cas d’études. Le satellite Ganymède en orbite à l’intérieur de la magnétosphère Jovienne, qui possède lui-même un champ magnétique, permet l’étude de l’interaction entre la magnétosphère d’une petite planète et celle d’une géante. L’exemple des systèmes d’anneaux de Saturne offre un laboratoire unique d’étude d’interaction plasma, les anneaux étant à la fois émetteurs de matière dans la magnétosphère et absorbeur de plasma circulant le long des lignes magnétiques internes.
Figure 1. Magnétosphère de Jupiter. Source : Chaisson, E./McMillian. S., ASTRONOMY TODAY, 3/e, © 1999
Les questions abordées au LPP
L’équipe plasmas spatiaux du LPP s’est impliquée très tôt dans cette exploration des magnétosphères des planètes géantes, avec des instruments embarqués sur les sondes spatiales. Après les premières données acquises par l’instrument URAP (PI : B. Stone, GSFC) lors de la traversée de la magnétosphère de Jupiter par la sonde Ulysse (ESA) en février 1992, notre équipe à participé à l’exploration approfondie de l’environnement de Jupiter (Figure 1) avec l’instrument PWS (PI : D. Gurnett, University of Iowa), embarqué sur la sonde Galileo, mise en orbite autours de la planète géante en décembre 1995. Les données des antennes magnétiques "search-coil" construites par l’équipe ont largement contribué à la découverte de la mini magnétosphère de Ganymède.
Le LPP participe également à l’exploration en profondeur de la magnétosphère de Saturne (Figure 2), de l’environnement de ses satellites, en particulier Titan, et de ses système d’anneaux, à partir de notre instrumentation incluse dans l’ensemble RPWS (PI : D. Gurnett, puis W. Kurth, University of Iowa), embarqué sur la sonde Cassini. Celle-ci a été lancée en 1997, et à été mise en orbite autours de Saturne en juillet 2004. Sa mission se terminera en Septembre 2017.
Figure 2. Magnétosphère de Saturne. Source : M. Kivelson, Science, 2006
L’intérêt de l’équipe pour poursuivre l’étude des planètes géantes reste très fort. Nous avons ainsi été sélectionnés pour fournir les antennes magnétiques de l’instrument RPWI (PI : J.E. Wahlund, IRF, Uppsala) qui sera embarqué sur la sonde Juice (ESA) dont le lancement vers Jupiter est prévu pour 2022. L’objectif principal de Juice sera, au-delà d’une étude approfondie de l’ensemble du milieu Jovien et des survols du satellite Europa qui devraient débuter vers 2030, une exploration de la magnétosphère du satellite Ganymède après mise en orbite autours de celui-ci.
Chercheurs LPP
Chanteur, G., Delcourt, D. Collaboration avec R. Modolo (LATMOS)
Sélection de publications
- Raines, J. M., G. A. DiBraccio, T. A. Cassidy, D. C. Delcourt, M. Fujimoto, X. Jia, V. Mangano, A. Millilo, M. Sarantos, J. A. Slavin, et P. Wurz, Plasma sources in planetary magnetospheres : Mercury, Space Science Reviews 192 91-144 (2015).
- Seki K., Terada N., Yagi M., Delcourt D. C., Leblanc François, Ogino T. Effects of the surface conductivity and the IMF strength on the dynamics of planetary ions in Mercury’s magnetosphere. Journal of Geophysical Research Space Physics (2013)
- Richer E., Chanteur G., Modolo R., Dubinin E., Reflection of solar wind protons on the Martian bow shock : Investigations by means of 3-dimensional simulations. Geophysical Research Letters 39 17101 (2012)
L’environnement de Mercure
L’environnement ionisé de Mercure constitue un cas d’espèce puisque les échelles spatiales et temporelles de cette magnétosphère sont beaucoup plus petites que celles de la Terre et ses conditions aux limites, radicalement différentes (absence d’ionosphère, magnétopause à faible distance de la surface de la planète). Ceci soulève de nombreuses questions concernant par exemple la structure à grande échelle de la magnétosphère herméenne, le développement d’une couche de plasma et d’un courant annulaire, les sources et les puits des populations magnétosphériques, ou encore la dynamique de la queue de la magnétosphère et les interactions magnétosphère-exosphère-surface. Ces questions figurent parmi les nombreux objectifs scientifiques de la mission BEPI COLOMBO ("Pierre Angulaire" du programme scientifique de l’ESA), dont le lancement est aujourd’hui prévu en juillet 2016 pour une arrivée à Mercure en janvier 2024. Cette mission qui conduit à une coopération étroite entre l’ESA, responsable du Mercury Planetary Orbiter (MPO, satellite stabilisé 3 axes sur une orbite polaire de 400 km x 1600 km) et l’agence spatiale japonaise JAXA, responsable du Mercury Magnetospheric Orbiter (MMO, satellite spinné sur une orbite polaire de 400 km x 12 000 km).
Après les premières observations de Mariner-10 en 1974-1975, les mesures de la sonde MESSENGER (NASA) ont fourni une moisson de données sur l’environnement ionisé de Mercure, e.g., confirmation du champ intrinsèque mesuré par Mariner-10, présence d’ions d’origine planétaire (O+, Na+, Ca+...) dans différentes régions de la magnétosphère, reconfigurations rapides de l’environnement et forçage important de la magnétosphère par le vent solaire. Différents travaux de modélisation sont menés au LPP pour étudier l’interaction du vent solaire avec cette magnétosphère, travaux qui mettent en oeuvre différents types de codes (hybrides 3D, particules-tests 3D). La surface de la planète et son exosphère jouent un rôle important dans la production de particules chargées via différents mécanismes (criblage par le vent solaire et par le rayonnement UV, bombardement météoritique, désorption thermique…). Les simulations à l’aide de particules-tests suggèrent par exemple que les ions d’origine planétaire peuvent apporter une contribution significative à l’environnement proche de Mercure, avec des niveaux de densité pouvant aller jusqu’à environ 1 ion/cm3 à 400 km d’altitude (péricentre de MMO) au périhélie. Après transport et accélération dans la magnétosphère, une partie de ces ions précipitent dans des régions localisées de la surface de la planète, conduisant à un enrichissement du regolith et à un processus de criblage renforcé. En raison des petites échelles spatiales de cette magnétosphère, les simulations à l’aide de particules-tests révèlent également des effets centrifuges importants lors de l’échappement des ions planétaires, effets qui conduisent à une accélération parallèle significative (quelques centaines d’eV pour les ions Na+) et à un transport du matériau d’origine planétaire dans la queue proche de la magnétosphère. Ces travaux de modélisation suggèrent par ailleurs un rôle significatif du champ électrique induit lors de reconfigurations rapides des lignes de champ (e.g., lors de dipolarisations magnétiques) dans l’accélération et le chauffage des ions. Un code hybride 3D initialement développé pour simuler les environnements plasma de Mars et de Titan a été adapté à Mercure. Ce code hybride a notamment été utilisé pour examiner les mesures de MESSENGER qui indiquent que le champ magnétique intrinsèque de la planète peut être assimilé à un dipôle décentré d’environ 480 km vers le Nord géographique le long de l’axe de rotation de la planète. Il ressort des résultats de simulations que ce modèle de dipôle excentré n’est peut-être qu’une représentation commode du développement multipolaire d’un champ planétaire encore mal décrit, en particulier dans l’hémisphère sud en raison de l’orbite de MESSENGER. A plus long terme, des modèles cinétiques seront utilisés pour étudier les interactions ondes-particules tout en prenant en compte les particularités des populations ioniques, telle la non-gyrotropie des distributions de vitesse attendue pour les ions planétaires.
Image : Simulations à l’aide de particules-tests et d’un modèle MHD montrant les distributions d’ions Na+ obtenues à partir d’un même modèle d’exosphère et avec un champ magnétique interplanétaire orienté vers le sud (-5 nT), en considérant des conductivités différentes (panneaux du haut et panneaux du bas) de la surface de la planète (d’après Seki et al. [2013])
Ces différents travaux de simulations numériques seront utiles pour l’analyse des mesures de la sonde MMO qui est plus spécifiquement dédiée à l’étude de l’environnement ionisé de Mercure. En partenariat avec ISAS-JAXA, le LPP participe à la charge utile de MMO via deux instruments : (1) en tant que Co-PI, au spectromètre à temps de vol Mass Spectrum Analyzer (MSA) qui permettra de mesurer des fonctions de distribution 3D des ions sur de vastes gammes de masses (de 1 à 40 uma) et d’énergies (de quelques eV/q à 38 keV/q) ; (2) comme Co-PI de l’experience de mesure d’ondes PWI, à la mesure de la composante du champ magnétique parallèle à l’axe de spin dans la gamme 0,1 Hz à 0,64 MHz via un nouveau modèle de fluxmètre à bande large (DB-SM).
Présentation
La météorologie de l’espace (ou météorologie spatiale) est une discipline récente qui s’intéresse principalement à l’impact de l’activité solaire sur notre environnement terrestre. Le site du « Space Situational Awareness » de l’agence spatiale européenne (ESA) donne la définition suivante : « La météorologie de l’espace étudie les conditions environnementales dans la thermosphère, l’ionosphère, la magnétosphère terrestres causées par le Soleil et le vent solaire et qui peuvent affecter le fonctionnement et la fiabilité de systèmes ou services au sol ou dans l’espace, ou mettre en danger les biens ou la santé de l’homme. »
Chercheurs du LPP
C. Amory-Mazaudier, G. Aulanier, N. Aunai, N. Cornilleau-Wehrlin, D. Fontaine, S. Masson, E. Pariat
Quelques publications significatives
- Hanuise, C., J.C. Cerisier, F. Auchère, K. Bocchialini, S. Bruinsma, N. Cornilleau-Wehrlin, N. Jakowski, C. Lathuillère, M. Menvielle, J.J. Valette, N. Vilmer, J. Watermann, P. Yaya,From The Sun To The Earth : Impact of the 27-28 May 2003 Solar Events on the Magnetosphere, Ionosphere and Thermosphere, Ann. Geophys., 24, 129-151, 2006.
- Turc L., Fontaine D., Savoini P., Kilpua E. K. J., A model of the magnetosheath magnetic field during magnetic clouds, Annales Geophysicae 32 157-173, 2014.
- Turc, L., D. Fontaine, P. Savoini and K. J. Kilpua, Magnetic clouds’ structure in the magnetosheath as observed by Cluster and Geotail : four case studies, Ann. Geophys., doi : 10.5194/angeo-32-1247-2014, 2014.
Activité solaire et relations Soleil-Terre
Le Soleil émet en permanence des rayonnements sur une large gamme de longueurs d’onde des rayons X et gammas (à respectivement moins de 1 nm et 1 pm) aux rayonnements radios (m, km) avec un pic de puissance au niveau du rayonnement visible et proche infrarouge (autour du µm). Une partie du rayonnement, notamment en UV, est absorbée par l’atmosphère terrestre et contribue à exciter, dissocier et ioniser les composants atomiques et moléculaires atmosphériques. Il se crée dans les hautes couches de l’atmosphère, typiquement dans la thermosphère au-dessus de 100 km d’altitude, une région comprenant des particules ionisées en plus des constituants neutres : c’est l’ionosphère. Par contraste avec l’atmosphère neutre, la couche ionosphérique est conductrice et permet la circulation de champs et courants électriques.
Figure 1. CME - Une grande éjection de masse coronale envoie un nuage de particules dans l’espace le 2 Décembre 2003. Image composite du Soleil où l’on peut voir une image obtenue par EIT superposée à une image obtenue par le coronographe LASCO C2 (avec un disque occulteur rouge), ce qui permet d’observer les détails de la couronne. Source : site de SOHO
Le soleil émet aussi en permanence des particules chargées, principalement des électrons et des protons, à des températures de l’ordre de 10 eV, qui se propagent à des vitesses supersoniques ( 400 km/s) dans tout le système solaire : c’est le vent solaire. Il n’entre pas directement en collision avec la surface si ces objets possèdent une atmosphère (Mars, Venus) et/ou un champ magnétique (Terre, planètes géantes magnétisées) dont la pression thermique et/ou magnétique est capable de s’opposer à la pression du vent solaire. Leur interaction avec le vent solaire est alors responsable de la formation d’une onde de choc en amont de l’obstacle planétaire, qui contribue à décélérer le vent solaire en aval à des vitesses subsoniques pour lui permettre de contourner l’obstacle, et d’une cavité planétaire, ou magnétosphère, autour de la planète. Le milieu magnétosphérique est séparé du milieu interplanétaire par une frontière, la magnétopause, relativement bien étanche.
De plus le Soleil, de façon sporadique, émet des protons et des ions énergétiques à des énergies de l’ordre de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de MeV. Ces émissions, appelées éruptions solaires et éjections de masse coronale, peuvent atteindre l’environnement terrestre. L’activité solaire évolue selon un cycle de onze ans (dernier minimum autour de 2008-2010 et dernier maximum autour de 2012-2014).
Météorologie spatiale
L’arrivée vers la terre d’émissions électromagnétiques et de particules solaires qui résultent de l’activité solaire, se répercute à son tour sur les différents éléments de l’environnement terrestre et les affecte de manière différente. Les rayonnements électromagnétiques se propagent à la vitesse de la lumière et atteignent l’environnement terrestre dans un délai de 8 minutes après émission. Le rayonnement UV, très variable, agit en particulier sur le chauffage et l’ionisation de la haute atmosphère terrestre, sur la concentration, la composition et le chauffage de l’ionosphère. Ces effets peuvent affecter le positionnement des satellites à basse altitude, les communications avec les satellites, en particulier le système GPS,…
Figure 2. Effets de la météorologie de l’espace sur l’activité humaine. Source L.J. Lanzerotti, Bell Laboratories
Les particules énergétiques solaires mettent entre une dizaine de minutes et quelques heures pour parvenir jusqu’à l’environnement terrestre. Si elles modifient relativement peu l’environnement lui-même, elles ont un impact important sur les équipements électroniques des satellites, voire des avions sur les lignes polaires.
Des reconfigurations du champ magnétique dans la magnétosphère induites par des fortes variations de pression du vent solaire et/ou par l’arrivée d’éjections de masse coronale, peuvent donner lieu à divers phénomènes physiques dans la magnétosphère comme par exemples des aurores boréales. Voir à ce sujet les rubriques : Accélération, rayonnement et turbulence dans les régions aurorales terrestres et Sous-orages magnétosphériques. L’idée que les éruptions solaires libèrent des nuages de plasma qui se propagent ensuite dans le milieu interplanétaire a été proposée par Sidney Chapman en 1929. Ces structures sont appelées des éjections de masse coronales. Les nuages magnétiques en sont un cas particulier, ils sont caractérisés par une structure magnétique bien définie. Au niveau de la Terre, environ un tiers des éjections de masse coronales observées sont des nuages magnétiques qui jouent un rôle central dans les relations Soleil-Terre, notamment parce qu’ils sont à l’origine des tempêtes géomagnétiques les plus intenses. L’étude de leur interaction avec l’environnement terrestre présente donc aussi un intérêt majeur parce qu’elle soulève des questions plus fondamentales, telles que la façon dont s’effectue le couplage entre vent solaire et magnétosphère.
Le système ionosphère – magnétosphère étant fortement couplé par l’intermédiaire des lignes de champ magnétique très conductrices, les perturbations magnétosphériques se répercutent dans l’ionosphère et vice versa. Plusieurs heures sont nécessaires pour construire une nouvelle circulation des particules et courants dans ce système couplé. La circulation des courants dans l’ionosphère peut devenir très intense suite à des événements solaires et affecter les communications avec les satellites de basse altitude principalement dans les régions de hautes latitudes (aurorales), le positionnement GPS, … Dans les cas extrêmes, elle engendre des courants dans la Terre (courants telluriques) qui peuvent affecter les installations au sol comme les « pipelines » ou les lignes à haute tension et provoquer de gigantesques pannes électriques comme cela s’est produit au Québec en 1989.
Les questions abordées au LPP
Etude de la géoeffectivité des irruptions solaires, en particulier des éjections de matière coronales (CME). Le but est d’analyser les effets des CME sur l’environnement terrestre en s’appuyant sur un ensemble de mesures, spatiales et au sol, tout le long de la chaîne Soleil-Terre : Soleil, Milieu Interplanétaire (au point de Lagrange L1, à environ 235 rayons terrestres en direction du soleil), Magnétogaine (en particulier le rôle de l’orientation du champ magnétique lors du passage d’un nuage magnétique), Magnétosphère, Ionosphère, Thermosphère.
Etude de l’impact des évènements solaires sur l’ionosphère des moyennes et basses latitudes et plus particulièrement sur leur effet sur les signaux GNSS (GPS, GLONASS, GALLILEO etc…) et les enregistrements magnétiques au sol.
L’arrivée prochaine du satellite Solar Orbiter à l’instrumentation duquel participe l’équipe, associé aux satellites déjà en orbite terrestre comme MMS, Cluster, THEMIS auxquels sont aussi associés les membres de l’équipe, permettra l’étude couplée des émissions solaires, du vent solaire et des effets sur la magnétosphère avec une instrumentation plus complète et une meilleure résolution temporelle que lors des études précédentes.
Liens
- Vidéo : Thèse de Gauthier Nguyen : Study of the coupling between the magnetosphere and the solar wind with machine learning. [cliquer ici]
- Sites de météorologie de l’espace :
- Page du PNST [cliquer ici]
- Space Situational Awareness (SSA) de l’ESA [cliquer ici]
- European Space Weather portal [cliquer ici]
- Space Weather prediction Center (NOAA), US [cliquer ici]
- Bases de données en France :
- MEDOC [cliquer ici]
- BASS2000 [cliquer ici]
- CDPP [cliquer ici]
Chercheurs LPP
O. Le Contel, A. Retino
Sélection de publications
- Le Contel O., Nakamura R., Breuillard H., Argall M. R., Graham D. B., Fischer D., Retinò A., Berthomier M., Pottelette R., Mirioni L., Chust T., Wilder F. D., Gershman D. J., Varsani A., Lindqvist P.-A., Khotyaintsev Y. V., Norgren C., Ergun R. E., Goodrich K. A., Burch J. L., Torbert R. B., Needell J., Chutter M., Rau D., Dors I., Russell C. T., Magnes W., Strangeway R. J., Bromund K. R., Wei H. Y., Plaschke F., Anderson B. J., Le G., Moore T. E., Giles B. L., Paterson W. R., Pollock C. J., Dorelli J. C., Avanov L. A., Saito Y., Lavraud B., Fuselier S. A., Mauk B. H., Cohen I. J., Turner D. L., Fennell J. F., Leonard T., Jaynes A. N., Lower Hybrid Drift Waves and Electromagnetic Electron Space-Phase Holes Associated With Dipolarization Fronts and Field-Aligned Currents Observed by the Magnetospheric Multiscale Mission During a Substorm, Journal of Geophysical Research Space Physics 122 (12) 236-257 (2017).
- Tenerani A., O. Le Contel, F. Califano, P. Robert, D. Fontaine, N. Cornilleau-Wehrlin, and J.-A. Sauvaud, Cluster Observations of Whistler Waves Correlated With Ion-Scale Magnetic Structures During the August 17th, 2003 Substorm Event, J. Geophys. Res., 118, 1–18, doi:10.1002/jgra.50562, 2013.
- Roux A., O. Le Contel, D. Fontaine, P. Robert, P. Louarn, et al.. Substorm theories and Cluster multi-point measurements, 5th Anniversary of Cluster in Space, 2006, Noordwijk, Netherlands. Fletcher K., pp.19-23, 2006
Le mystère des sous-orages
Notre planète est munie d’un champ magnétique intense. Celui-ci interagit avec le plasma constamment éjecté par le Soleil (vent solaire) dans le milieu interplanétaire. De cette interaction résultent des phénomènes spectaculaires. Certains de leurs effets ont des conséquences sur l’activité humaine.
Comme un bouclier, le champ magnétique terrestre repousse le vent solaire à une dizaine de rayons terrestres de la planète du côté jour. Le voisinage de la Terre dominé par son champ magnétique intrinsèque est appelé magnétosphère. Elle s’étire à des centaines de rayons terrestres de la planète du côté nuit. La zone d’étirement de la magnétosphère correspond à la queue magnétique. Cette région est le siège de phénomènes de sous-orages magnétosphériques.
Aurore boréale à Sodankyla en Finlande © CNRS Photothèque - Michel HERSE
Les sous-orages provoquent l’accélération des particules chargées en direction de la Terre. La rencontre de ces particules avec la haute atmosphère terrestre est à l’origine des aurores polaires. Nous pouvons voir leur drapé lumineux depuis la surface de la Terre. La précipitation de ces particules est également à l’origine de dérèglements des réseaux électriques et de télécommunication. Si l’on en observe les effets, on connaît mal la genèse de l’accélération des particules chargées.
Savoir où et quand se déclenchent les sous-orages est au cœur du débat scientifique depuis plus de trente ans. Les premières missions spatiales lancées pour étudier la provenance des sous-orages magnétosphériques étaient mono satellitaires. Ces phénomènes s’étendent en quelques minutes sur de grandes distances. Ces missions se sont donc heurtées à la difficulté de déterminer leur point de départ, ce qui n’a pas non plus été résolu par les premières missions bi-satellitaires comme ISEE 1 et 2 (ESA/NASA) (1978-1987). C’est pourquoi des missions multi satellitaires ont été conçues, telle la mission THEMIS (NASA) lancée en 2007 comportant 5 satellites.
Le Soleil est un astre actif, produisant quotidiennement des émissions électromagnétiques de plus ou moins grande intensité, et éjectant de manière impulsive de la matière vers l’espace interplanétaire. Les plus grands évènements constituant l’activité solaire, les éruptions solaires, peuvent induire de nombreux effets néfaste sur le fonctionnement des systèmes technologiques humains.
Chercheurs LPP
G. Aulanier, S. Masson, E. Pariat
Sélection de publications
- G. Aulanier, The physical mechanisms that initiate and drive solar eruptions , Nature of Prominences and their role in Space Weather. Edited by Brigitte Schmieder, Jean-Marie Malherbe and S.T Wu. Proceedings of the International Astronomical Union, IAU Symposium, Volume 300, pp. 184-196.
- S. Masson, S. K. Antiochos, & C. R. DeVore, Escape of Flare-accelerated Particles in Solar Eruptive Events, The Astrophysical Journal, Volume 884, Issue 2, article id. 143, 15 pp., 2019.
- E. Pariat, J. E. Leake, G. Valori, M. G. Linton, F. P. Zuccarello, K. Dalmasse, Relative magnetic helicity as a diagnostic of solar eruptivity, Astronomy & Astrophysics, Volume 601, id.A125, 16 pp., 2017.
Qu’est-ce que l’activité solaire ?
En construction
Modélisation numérique de l’activité solaire
Grâce à l’explosion des capacités de calcul numérique ces dernières années, la simulation de phénomènes physiques observés s’est très fortement développée. En astrophysique en particulier, domaine où l’expérimentation est fortement limitée, la modélisation par ordinateur des phénomènes s’est particulièrement améliorée au point de pouvoir désormais reproduire ces phénomènes avec un réalisme très important. L’utilisation synergique de données d’observations spatiales et de modèles numériques permet désormais de faire avancer rapidement la connaissance en astrophysique.
Cette situation est particulièrement vrai en physique solaire et en physique de l’héliosphère, où il existe une abondance de données d’observations, grâce entre autres à de multiples missions spatiales comme SoHO, SDO, TRACE, RHESSI, ULYSSE, STEREO, Parker Solar Probe, Solar Orbiter et prochainement PUNCH, Solar-C.
Notre équipe se spécialise depuis de nombreuses années dans la modélisation numérique magnétohydrodynamique 3D d’évènements éruptifs solaires. Notre spécificité est de tenter de rapprocher nos modèles, plus ou moins idéalisés, avec les données d’observations. Notre équipe est particulièrement investie dans des études utilisant conjointement des données d’observations des simulations numériques. Les données sont utilisées en lien avec nos modèles numériques de différentes manières :
- par inspiration : les observations sont utilisées comme un source d’information qui permet d’initier un modèle numérique, sans directement inclure ces données. Ceci permet de créer des modèles qui, bien qu’étant idéalisé, possèdent un haut niveau de réalisme (e.g. Aulanier et al., ApJ, 2010)
- par inclusion : les données sont utilisées directement dans les modèles numériques, que ce soit comme conditions aux limites ou comme conditions initiales (e.g. Masson et al., ApJ, 2009, Lynch et al., JGR, 2016)
- par comparaison : les sorties des modèles sont directement comparées aux différentes données d’observations. Les modèles peuvent être améliorés de manières itératives afin que les sorties des modèles numériques soient de plus en plus proches des véritables observables (e.g. Masson et al., ApJ, 2014)
- pour la prédiction : un jeu de données est utilisé comme condition initiale d’un modèle numérique qui prédit les propriétés d’autres observations (e.g. Savcheva et al., ApJ, 2016).
Ces recherches reposent tout d’abord sur l’utilisation de deux codes de simulations numériques dont nous avons la complète maitrise et qui nous ont permis de simuler de multiples cas d’évènements actifs solaires par le passé :
- OHM-MPI : code développé au LESIA et au LUTh et dorénavant maintenu au LPP (Aulanier et al. A&A 2005, Zuccarello et al. ApJ. 2015). Code magnétohydrodynamique 3D avec grille fixe non-uniforme. Code versatile - massivement parallèle - qui tourne sur le mésocentre MESOPL et sur la machine OCCIGEN/CINES. Code parallélisé dans le cadre de l’action fédératrice de l’Observatoire de Paris « simulation numérique ».
- ARMS : code développé aux USA (US Navy & NASA, DeVore, JCoP, 1991). Code magnétohydrodynamique 3D à maillage adaptatif dynamique. Grille sphérique et cartésienne. Code massivement parallèle fonctionnant sur le mésocentre MESOPL et sur le supercalculateur OCCIGEN du CINES.
Ces codes constituent deux outils complémentaires qui permettent de simuler différents phénomènes qui sont observés par les différentes instruments et missions d’observation du Soleil.
Exemples de questions abordées au LPP
- Comment l’atmosphère solaire est-elle structurée magnétiquement ? Quels structures sont à même de produire des éruptions ?
- Quels sont les processus amenant au déclenchement des éruptions solaires ? Quel est le rôle de la reconnexion magnétique ?
- Comment se déroulent les éruptions solaires ? Comment sont produits les phénomènes associées observées : émissions lumineuses, chauffage, éjectas, ...?
- Quel est l’impact des éruptions sur l’environnement terrestre ? Comment peux-t’on prédire les éruptions solaires ?
- Quels sont les processus amenant au déclenchement des éruptions solaires ? Quel est le rôle de la reconnexion magnétique ?
Anatomie de la couronne dans une simulation numérique MHD 3D. Coupes 2D (radiale, longitudinale, latitudinale) de la densité de courant électrique et vecteurs vitesse (pics fins) dans la couronne solaire. Données issues de simulations 3D magnetohydrodynamiques de la couronne pour étudier le vent solaire. On observe l’accumulation de courant le long des structures topologiques tels les "streamer" et "pseudo-streamer". Image ayant reçu le 1er prix du concours Photo de la fédération Plas@par